
Petit Cambodge. Son nom nous parle tragiquement. En l’entendant, ce sont les terribles images du 13 novembre qui resurgissent. Tandis que le restaurant prévoyait d’ouvrir un nouveau local dans le dixième arrondissement, celui-ci s’est retrouvé squatté par des militants écologistes.
Cette occupation est l’œuvre d’un collectif vert (L’Arche) qui présente son action comme une lutte contre la gentrification du quartier. Si le combat est noble, les moyens mis en œuvre sont, eux, plus que discutables. Il n’est nullement question de remettre en cause le principe de l’occupation ou du squat. Celui-ci, nous l’avons constaté à de multiples reprises, a su jouer un rôle politique important, notamment dans la transformation de bâtiments occupés en logements sociaux. Nous pouvons évidemment penser à celle qui a eu lieu rue du Dragon — autrefois soutenue par Albert Jacquart et l’abbé Pierre — ou encore, en s’appuyant sur un exemple plus récent, à celle de la rue de la Banque.
Mais l’occupation du Petit Cambodge pose davantage de problèmes. D’une part, en décidant de prendre d’assaut un établissement visé par les attentats de novembre 2015, le collectif de l’Arche porte sur la conscience le poids d’une charge symbolique déplorable. D’autre part, s’attaquer à un restaurant en cette période sanitaire désastreuse qui a poussé les établissements à la fermeture physique et à se battre pour survivre semble intrinsèquement inapproprié aux idées revendiquées. Notons également, toujours dans la recherche de paradoxes militants, que le local squatté appartient à un bailleur social et non à une compagnie d’assurance ou à une banque. Comprenons par là que les loyers du commerce situé en pied d’immeuble financent les logements sociaux situés juste au-dessus. L’aspect contradictoire de l’action de l’Arche est exacerbé par la posture de certains militants proches du collectif et de l’écologisme radical (dont il n’est, rappelons-le, pas question de faire le procès ici) vis-à-vis des logements sociaux. Ceux-ci se sont plus d’une fois positionnés contre la mise en place de logements sociaux dans la capitale sous prétexte qu’ils contribueraient à sa densification. Or les logements sociaux représentent l’un des outils les plus efficaces en vue de lutter contre la gentrification. Car ce phénomène d’embourgeoisement d’un quartier est nécessairement lié celui de la paupérisation des populations délogées. Ainsi, c’est en mettant en place des logements à leur disposition que l’on lutte véritablement contre la gentrification, et non en occupant le local d’une restaurant déjà affaibli par des attentats meurtriers. La ville de Paris, grâce à l’engagement de Ian Brossat, porte-parole du PCF et maire adjoint en charge du logement, de l’hébergement d’urgence et de la protection des réfugiés, a fait évoluer le nombre de logements sociaux de 13% à 23%. Loin d’être irréprochable, elle cherche néanmoins à faire avancer les choses et il est de notre devoir de continuer de la pousser dans cette direction.