LE TEMPS D’UN CAFÉ – En quelques phrases, Mattéo Scognamiglio évoque une œuvre, un fait d’actualité ou une pensée. Aujourd’hui, quelques mots sur « Trois chevaux », de l’auteur napolitain Erri De Luca.
On ne présente plus l’écrivain napolitain aujourd’hui. Encore moins en France où son œuvre, merveille de poésie et de sensibilité, jouit de toute la reconnaissance qu’elle mérite, grâce notamment à l’admirable travail de traduction de Danièle Valin.
Il n’est pas rare qu’une sortie en librairie, au gré d’une errance, nous conduise à l’un de ses romans. Ce fut mon cas, un dimanche d’automne. Mes pérégrinations me conduisirent au 42, avenue Junot. C’est à ce numéro que l’on pénètre dans la librairie L’Attrape-cœurs. Et c’est à ce numéro, sur l’étagère où il était délicatement inscrit « littérature italienne », que j’aperçus les Trois chevaux.
Ce roman est sans aucun doute l’un des plus aboutis d’Erri De Luca. Tous ses thèmes de prédilections y sont concentrés : l’amour, l’engagement politique, la poésie et la nature. Trois chevaux narre le parcours d’un homme qui a quitté Naples pour l’Argentine puis son retour, bien des années plus tard, dans son pays natal. Immigré par amour dans un pays gangréné par la dictature militaire, il a vu la femme qu’il aimait payer de sa vie le combat pour la liberté. Un homme lui confessera que la vie d’un homme dure autant que celle de trois chevaux. Le premier s’éteint tandis qu’il quitte l’Argentine. De retour en Italie, il vivra humblement comme jardinier, proche de la terre. Dans cette vie pourtant solitaire, il rencontrera Làila, dont il s’éprendra à sa manière. À l’issue du livre, il réalise que son deuxième cheval s’en est allé.
Erri De Luca livre un texte bouleversant où le passé se mêle au présent sans jamais l’ankyloser, où le souvenir n’est jamais entièrement une prison et ressurgit aussi pour mieux éclairer l’avenir. C’est un roman d’une grande économie, où chaque mot est juste et pensé. L’écriture se veut témoin du temps qui passe, de la mélancolie d’une existence à son crépuscule mais, avant tout, d’une célébration de la vie et de la nature.