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Après deux romans distingués et des publications dans de nombreuses revues de poésie, Grégory Rateau signe avec « Conspiration du réel » un premier recueil profond, jubilatoire, empli d’érudition et porté par une voix poétique singulière. Il bâtit son univers en opposition au réel, ne cherche pas à l’élucider mais, au contraire, à le transcender.

Écrivain et poète, réalisateur et journaliste, Grégory Rateau est travaillé très tôt par l’écriture, qui s’impose rapidement à lui comme un besoin vital. Après deux romans distingués et des publications dans de nombreuses revues de poésie (Revue A, Points & Contrepoints, Place de la Sorbonne…), il signe avec Conspiration du réel un premier recueil profond, jubilatoire, empli d’érudition et porté par une voix singulière. Si le milieu éditorial français semble quelque peu hermétique à la production poétique contemporaine — exception faite des grandes figures d’autorité —, cette dernière n’est pas en voie d’extinction pour autant. À l’heure où « la poésie n’est plus l’institutrice de l’humanité » (Hölderlin), elle parvient toujours à se frayer un chemin. Et Grégory Rateau nous prouve ici qu’elle a un très bel avenir devant elle.

La trajectoire personnelle de Grégory Rateau, placée sous les auspices du voyage et de l’exil, se perçoit dans ses poèmes. Loin de la posture désenchantée d’un Ulysse en quête d’un retour dans sa patrie, il jouit de la liberté que procure l’errance. Peut-être celle-ci s’inscrit-elle aussi dans une volonté d’échapper au réel. À ce propos, le titre du recueil est très révélateur. La Conspiration du réel, c’est l’idée que ce dernier nous mène en bateau, qu’il cherche à nous piéger. Et seule une voix poétique affranchie des codes, insoumise, pourrait vaincre cette tromperie. S’affranchir des codes, c’est justement l’enjeu de nombreux poèmes : le choix de privilégier les assonances, allitérations et rimes internes au schéma rimique traditionnel en est la transposition la plus perceptible. Aussi, le choix d’une voix poétique presque élégiaque, faisant part de son lot de peines et de souffrances, toujours au bord du gouffre sans jamais y sombrer véritablement, s’inscrit en rupture avec les schémas traditionnels — lesquels se fourvoient trop souvent dans la complainte. À travers les vers de Grégory Rateau, comme en témoigne Catherine Dutigny dans la préface du recueil, malgré la douleur et la souffrance, il y a toujours « des raisons d’exister, de croire en une rédemption ».

Dans la lignée baudelairienne, dont l’influence transperce des pages, il évoque la peine et le vague à l’âme, le mal et le bien, et cherche à bousculer son lecteur. Ses poèmes tendent à l’intemporalité en ce qu’ils abordent des thèmes et des sentiments intrinsèques à la condition humaine, qui nous habitent depuis des temps immémoriaux. Grégory Rateau oppose au réel et à sa conspiration une colère poétique subtile, lucide et élégante. Il met en perspective, dénonce, confronte. Il bâtit son univers poétique en opposition au réel, ne cherche pas à l’élucider mais, au contraire, à le transcender. Grégory Rateau est en quête d’un nouveau rythme, d’une vitesse différente, d’une véritable rupture avec les codes.

Conspiration du réel, recueil particulièrement bien accueilli par la critique et le public, s’apprête à bénéficier d’un nouveau tirage. Grégory Rateau sera aussi mentionné dans une anthologie consacrée à la poésie française contemporaine : Dans une autre demeure, cartographie de la poésie française et francophone contemporaine, de Jean-Luc Favre Reymond. Il sera enfin présent au Marché de la poésie de Paris les samedi 11 et dimanche 12 juin, de 14h à 17h.

En parallèle de ses ouvrages, vous pouvez également l’écouter dans deux interviews très pertinentes sur France Inter et Radio Roumanie Internationale.