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 Tantôt adulé, tantôt lynché, l’emblématique réalisateur, soupçonné de pédophilie envers sa fille adoptive, se retrouve au milieu d’une affaire qui contrarie la sortie de son dernier film. Le jugement que l’on porte sur un auteur doit-il se confondre avec son œuvre ?

Après deux semaines à me faire supplier, il était temps de revenir. Non pas que mon narcissisme insatiable mérite sa dose mensuelle d’applaudissements… en fait si, c’est absolument ça.

Je pourrais évoquer cet interminable épisode neigeux mais ce serait mentir. Je n’étais pas là, trop occupé à savourer un café sur la Piazza di Spagna à Rome. Je pourrais évoquer mes conquêtes italiennes. Mais à quoi bon parler de ma vie sentimentale ? Je vais plutôt évoquer le dernier Woody Allen, voilà un sujet qui mettra mes lecteurs d’accord… Ah merde, loupé. Le con est encore au milieu d’un scandale…

Tantôt adulé, tantôt lynché, l’emblématique réalisateur, soupçonné de pédophilie envers sa fille adoptive, se retrouve au milieu d’une affaire qui contrarie la sortie de son dernier film. Le jugement que l’on porte sur un auteur doit-il se confondre avec son œuvre ? Tout comme Céline, il est nécessaire de savoir marquer une distinction entre l’homme et l’artiste. Et c’est ce que je m’apprête à faire aujourd’hui.

Woody Allen a toujours fait preuve d’admiration et de fascination à l’égard de Coney Island et ce n’est d’ailleurs pas anodin si le protagoniste de Annie Hall a grandi à proximité du parc d’attraction.

En lisant Stendhal, Tolstoï ou même -pour les moins exigeants d’entre nous- Marc Levy et John Green (auteurs contre qui je n’ai rien mais que voulez-vous, il faut utiliser des clichés pour illustrer ses exemples), nous observons l’omniprésence des relations amoureuses tant elles sont sources d’angoisses et de conflits. Woody Allen l’a bien compris et cherche à dépeindre des relations tantôt impossibles tantôt destructrices afin de faire surgir des émotions chez son spectateur et mettre en scène des situations complexes, profondes et portant à la réflexion.

Porté par une talentueuse, émouvante et poignante Kate Winslet, Wonder Wheel se positionne aisément dans les portraits de femme du réalisateur, parmi lesquels nous retrouvons Alice ou encore Blue Jasmine. Nous y retrouvons une protagoniste vivant dans des illusions passées, dévastée par ses mensonges, suffoquant de son mariage par dépit et misant tout sur son idylle adultère avec un maître-nageur, étudiant et aspirant dramaturge. Amante instable, torturée puis trahie, elle incarne l’essence même du personnage dramatique allénien.

Plus l’avenir des personnages est incertain et s’assombrit, plus la jalousie de Ginny (Kate Winslet) est dévastatrice et plus la lumière de Vittorio Storaro -qui travaille avec Allen depuis Café Society- s’éclaircit, devient idyllique et vire parfois à la caricature. Cette opposition intentionnelle marque un intéressant contraste entre la réalité et la manière de la percevoir : comment Coney Island, lieu de joie et de fête, peut-elle devenir le théâtre des désillusions ?

 

            Finalement, tel Tchekhov, Allen mélange l’absurde, le grotesque, le pathétique et la noirceur pour illustrer la vie en trompe-l’œil de personnages torturés.