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Bouc émissaire de la justice expéditive des réseaux sociaux, Yann Moix fait partie de ces nouvelles victimes dont la tête est coupée pour une phrase sortie de son contexte et métamorphosée par une succession d’innombrables tweets allant de la paraphrase partielle à la réécriture totale. Avec Rompre, il nous livre, influencé par Stendhal et Gide, notamment à travers sa conception de l’amour comme cristallisation, un problème auquel chaque être humain a été confronté. Nous y découvrons un personnage aux antipodes de ce que ses détracteurs laissent à croire. L’auteur effectue une déchirante mise à nu dans laquelle il expose sa vision du couple. Mais Rompre, c’est avant tout une structure : le dialogue. La cure psychanalytique, comme l’auteur le confesse lui-même, n’a pas fonctionné alors il lui a fallu trouver moyen de remonter la pente : panser les maux en pensant les mots. Il se projette dans un dialogue entre lui et lui-même, transposé en journaliste interviewant un écrivain à la dérive. Un écrivain qui, paradoxalement, vomi l’idée du couple tout en étant incapable de se confronter à la solitude du célibat : « Quand on est en couple, on a souvent envie de respirer. On rêve d’être seul. Quand on se retrouve mécaniquement seul, on s’aperçoit qu’autant il est facile quand on est deux d’aller se reposer dans la solitude quelques jours, autant il est impossible quand on est ‘un’ de se retrouver à deux en claquant des doigts. C’est la grande illusion quand on est à deux de penser qu’on serait mieux seul. Lorsqu’on est deux, on peut partager le monde, on peut voyager, faire l’amour, construire des souvenirs ». Mais, dans un élan auto-destructeur consciemment inconscient (formule paradoxale qui, après relecture, fait sens) et presque masochiste, Yann Moix s’évertue à abîmer ses relations jusqu’à l’essoufflement puis la destruction. Son récit est parsemé de ce qu’il nomme, très justement, les « hématomes du passé ». Avec Rompre, il fait à nouveau œuvre. 

Rompre, c’est cent-huit pages de cocaïne littéraire que l’on snife d’un coup, sans prendre une seule pause. La fin de ce livre est aussi douloureuse que la fin d’une histoire d’amour.