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Football ? Le mot, déjà, inquiète et la discipline, pour peu que nous l’ayons expérimentée, ne rassure pas. Quel sujet plus rédhibitoire que celui du ballon rond lorsque nous n’approchons pas une grande compétition mondiale ou européenne ? Aborder ce sport semble d’autant plus kamikaze lorsque je m’apprête à évoquer un joueur dont la carrière a déjà sombré dans les abîmes de la mémoire, trop sélective, du public.

Au risque de surprendre mes lecteurs les plus élitistes au point qu’ils fassent un autodafé digital en brulant leur ordinateur flambant neuf payé avec l’agent du contribuable : je suis un fan de football. Résumer ce sport à une discipline de « beaufs » relèverait d’un sophisme profondément malhonnête. Outre son statut, tantôt salutaire, tantôt regrettable, de vitrine de la mondialisation et l’ultralibéralisation -avec ses bénéfices et, surtout, ses inconvénients- c’est avant tout une arme sociale, culturelle et politique. Et parler de ses acteurs relève dès lors d’une sociologie nécessaire.

Comment expliquer le déclin progressif de Yoann Gourcuff ? Décrit par le quotidien L’Équipe comme le « successeur » de Zidane, reconnu par ses pairs et envié par ses coéquipiers, nous le voyions déjà comme un messie, un prodige dont la brillante lecture du jeu n’avait d’égal que le talent. Trop humble ? Trop réservé ? Trop fragile ? Les questions fusent mais les réponses, elles, ne convainquent pas. L’ancien espoir du football tricolore est aujourd’hui sans club. Sa carrière, perturbée par des blessures à répétition, reste l’une des plus grandes énigmes sportives du XXIè siècle. Aujourd’hui, le Breton quitte la pelouse sur la civière, encore. Il semble lointain, presque irréel à la manière d’un rêve auquel nous croyons trop, le temps où Gourcuff délivrait le peuple français grâce à une sublime égalisation face à la Roumanie en octobre 2008; ou bien le soir d’un certain PSG-Bordeaux où il inscrit un but d’anthologie. L’habitué des infirmeries a finalement eu le malheur de jouer au football quelques décennies trop tard. Il aurait été brillant à une époque où le sport n’était pas encore victime de la sur-médiatisation. Sa discrétion, sa vision du jeu et son humilité s’accorderaient avec des Platini, des Puskás ou même des Sócrates. Ces allégations vous semblent absurdes ? C’est parce qu’elles le sont, de la même manière que Yoann Gourcuff l’est. Il est un joueur absurde, au premier sens du terme, lui dont la carrière va contre la raison et la logique. Parler de l’ancien international français revient avant tout  à effectuer un travail de réminiscence car c’est un joueur qui appartient déjà au passé. Lui, qui préférait parler tactique plutôt que prostituées mineures, Rolex et grosses voitures, avait une conception dépassée du football qui ne s’accordait pas avec la vision post-98 marquée par la volonté de bénéficier de la même gloire que les champions du monde. Yoann Gourcuff est au football actuel ce que Jean-Luc Godard est aujourd’hui au cinéma : une relique, un témoin du passé qui ne plaît plus, faute d’intégration à une société nouvelle, et dont l’intérêt ne dépasse guère quelques puristes. Ce constat est triste et regrettable mais, surtout, vrai.

Depuis le 9 juillet dernier, des rumeurs nous informent que Yoann Gourcuff serait sur le point d’annoncer la fin de sa carrière et aurait exprimé le souhait de débuter dans l’immobilier. Bon vent camarade et puisse cette nouvelle vie professionnelle te procurer plus de bonheur. Tu manqueras au football.